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Grain, Acutance et Contraste!
Développer un film est une étape essentielle dans le processus photographique, qui a beaucoup de points communs avec l’interprétation d’une œuvre musicale. L’une et l’autre nécessitent rigueur, maîtrise technique et émotion. Sans rigueur et maîtrise technique, le découragement viendra rapidement. Le choix du révélateur comme celui de l’instrument, qui vous permettront de vous exprimer est important. Et le tout nécessite la connaissance du solfège, de faire ses gammes et d’y mettre de son âme!
Chaque film a son propre caractère qui peut être mis en valeur, voire modifié par le révélateur et aussi par la manière de l’utiliser.
Le film
La sensibilité
Le premier caractère d’un film est sa sensibilité à la lumière. En général, on choisira sa sensibilité en fonction de la luminosité du sujet photographié. Mais, ce n’est pas toujours la raison unique de votre choix. La taille des grains d’argent est proportionnelle à la sensibilité des films. Plus la rapidité du film est grande, plus les grains sont gros et vice-versa. Si vous souhaitez un grain fin, mieux vaut choisir une émulsion peu sensible. Inversement, il faut renoncer faire des photos de spectacle au grain fin, d’autant qu’il vous faudra « pousser » le film et le sur-développer pour en augmenter la sensibilité effective. Et comme nous le verrons plus loin la sensibilité joue un rôle dans le contraste du négatif.
La granularité
C’est une mesure théorique du grain du film donnée par les fabricants pour un film donné. Elle est donnée sous forme de RMS ou Root Mean Square (Racine carrée de la moyenne des carrés) est une méthode utilisée pour déterminer la granularité d’un film photographique. Le principe de base mathématique (racine carrée de la moyenne des carrés) est utilisé dans de nombreux autres domaines (mathématiques pures, signal audio, etc.). Plus le chiffre est faible plus le grain est fin. C’est une méthode assez peu connue qui vous permettra de faire un premier choix de film, selon le grain que vous en attendez.
Par exemple, la granularité d’un film TMAX 400 est donnée pour un RMS de 10 alors que la TMAX 100 est, sans surprise plus faible. Kodak donne un CMS de17 pour la TX 400 et 16 pour la TX 320. Malheureusement, toutes les marques ne donnent pas autant de renseignements mais quand elles le font cela donne déjà une première idée pour aider votre choix. La taille des grains est proportionnelle la sensibilité du film. Les grains seront d’autant plus fins que le film sera plus lent. Et bien que les films aient fait de grands progrès, plus le film sera rapide, plus le grain sera plus gros. La granularité d’un film n’est pas modifiable.
Le grain
Ce que nous voyons et appelons « grain » ne sont pas les grains d’argent, de trop petite taille pour être individuellement visibles à l’œil nu, mais leur regroupement en amas plus ou moins harmonieux. Ce n’est pas la taille des grains d’argent eux-mêmes qui peut être modifiée, mais celle de ces regroupements de grains d’argent.
Le grain peut-être significativement modifié par le révélateur, la durée du développement. Chaque révélateur créée sa propre empreinte sur grain:
Kodak TRI-X 400 développée avec du D76 (photos de gauche), du Kodak HC110 (au centre) et du Kodak XTOL (à droite). (tirées des essais de Mr Jean-Baptiste Merillot)
Photos « fake » de Petteri Sulonen sous license Creative Commons.
Image numérique travaillée sous photoshop, pour donner l’impression de grain.
La photo ci-dessus, bien qu’elle soit numérique et travaillée avec un logiciel, illustre qu’une même prise de vue peut donner une image différente selon que le grain soit fin ou plus important. C’est la vision du photographe et ce qu’il veut montrer qui prime. A gauche l’image est plus douce, les taches de vieillesse atténuées, à droite, le grain étant plus important, les détails sont visibles, rides, taches sont très marquées. La photo de droite donne l’impression d’être plus nette alors qu’il s’agit du même cliché.
L’acutance
Elle permet de quantifier la netteté apparente d’une image argentique. On parle aussi « d’effet de bord ». bord, parce qu’elle se manifeste surtout par des séparations nettes entre les diverses densités. La limite entre une zone claire et une zone plus foncée est bien marquée. Forte acutance, implique un grain plus gros. Un grain fin donne une séparation entre les densités plus douce et donc moins visible, d’où l’impression de plus grande netteté que donne une image de forte acutance. Si vous utilisez un logiciel de traitement d’image, vous connaissez sans doute la commande « plus net ». Cette option agit simplement sur l’acutance de l’image en réduisant le dégradé entre les diverses densités de la photo. Ainsi, par cet artifice, le logiciel donne l’impression d’avoir augmenté la netteté. La fausse photo argentique de Petteri Sulonen illustre bien concept. (voir plus haut).
A gauche, haute acutance. A droite, faible acutance
La résolution
Le pouvoir de résolution est la capacité de celui-ci à restituer les détails les plus fins. Il peut être caractérisé par la distance minimale qui peut séparer deux points contigus. Elle est limitée par le grain du négatif et aussi par sa taille, un négatif de grande taille restituera mieux les détails qu’un 35mm par exemple.
L’exemple, ci-dessus, tiré de l’excellent ouvrage « The film developping cookbook » de Steve Anchell et Bill Troop, malheureusement en anglais, illustre bien qu’un négatif ayant une forte acutance (à droite) et donnant l’impression d’être plus d’une netteté plus grande, ne restitue pas les détails aussi finement que celui de gauche. Cela est tout à fait logique: plus le grain sera fin, plus les détails les plus fins seront restitués mais moins forte est l’acutance. Un choix cornélien de plus.
Le contraste
Le contraste d’un film est sa capacité à restituer les différences de luminosité du sujet photographié. Cela se traduit par une gamme de gris plus ou moins importante selon la nature du film. Soit une gamme très importante entre le blanc pur et le noir profond pour un film peu contrasté, soit une gamme de gris très étroite entre le blanc et le gris pour un film contrasté.
Ce contraste dépend principalement du film lui-même, les films peu sensibles sont beaucoup plus contrasté que les films de haute sensibilité.
Le développement peut modifier le contraste d’un film. Le choix du révélateur, la durée de traitement et l’agitation modifient le contraste du négatif.
Vous l’avez sans doute compris, il vous faudra faire des choix. Comme en musique, certaine note jouée ensemble donnent un accord harmonieux. Le reste dépend de vous. Si vous choisissez un grain et une acutance importants, qui mettent en relief les défauts cutanés du personnage, c’est votre droit et le sujet appréciera ou pas!