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Un exemple de labo hybride dans l’esprit de la chambre noire

La vocation d’Objectif Argentique n’est pas de ressembler à un catalogue ou à une encyclopédie, mais plutôt d’être pragmatique, de présenter ce qui marche. Alors, plutôt que de lister tous les workflows possibles et tous les logiciels qui vont avec, voici un exemple de labo hybride, ainsi que la démarche qui a conduit aux différents choix de matériel ou de logiciels.

Préambule

Tout d’abord, avoir un matériel adapté à son besoin et à ses moyens. Dès qu’on met un pied dans le numérique (et donc: l’informatique), on est de suite soumis à la pression du fameux si-t’as-pas-le-top-t’es-nul. La première chose à faire quand on envisage un labo hybride c’est de mettre tout ça à la poubelle. Le photographe est perfectionniste, mais on le dit toujours en argentique: un photographe est un chimiste raté… Il n’y a donc pas de raison: il peut aussi être un informaticien raté!

Impression
Commençons donc… par la fin. Le but ultime du labo, c’est le tirage, déterminant pour le choix du matériel et des logiciels. Dans le cas présenté, le contexte est simple: remplacer un labo argentique dans lequel on tirait des barytés 30×40 maxi, principalement sur papier mat. Petite quantité, tonalités variées, et une qualité de type archive. On souhaite garder de la flexibilité et une démarche artisanale; de plus, le budget n’est pas illimité. Voilà pour les données d’entrée.
On a choisi la méthode « noir et blanc » (voir l’article « labo numérique, comment ça marche? »). L’imprimante est un modèle abordable, sans trop d’options inutiles et permettant l’usage d’encres alternatives (une Epson Stylus Photo 1400), et elle est équipée d’encres carbone à dilutions variées, ainsi qu’une cartouche noire supplémentaire à tonalité froide pour faire varier les tonalités des tirages (kit Eb1400 mis au point par Paul Roark).
Ce choix d’encres dédiées au Noir et Blanc implique l’usage d’un pilote d’impression particulier, Quad Tone RIP (abrégé QTR), une petite merveille signée Roy Harrington.

Scan
Là encore, le tirage souhaité conditionne le choix du scanner, tenant compte bien sûr du format du négatif. Sur le papier, l’image doit avoir une résolution mini de 280dpi (qu’on peut arrondir à 300dpi pour faire simple). Ce chiffre, combiné au taux d’agrandissement, nous donne la résolution du scan. Attention: il faut aussi avoir en tête que plus un tirage est grand, plus on le regarde loin.
Dans notre exemple, les négatifs à scanner sont soit des 6×6 soit des 24×36 (ponctuellement des 24×65 issus d’un Xpan). Le taux d’agrandissement maxi est donc d’environ 6 pour une vue 6×6 et 12 pour une vue 24×36 (sans recadrage). Ceci donne une résolution de scan respectivement de 1800 et 3600 dpi.
Pour des raisons budgétaires et d’encombrement, un compromis a du être fait. En effet, pour avoir une véritable résolution de 3600dpi pour les films 135, un scanner dédié aux films s’imposait, alors que pour les 120, un scanner à plat est nécessaire! Le choix s’est donc porté sur un scanner à plat Epson V500 offrant une résolution réelle de 2400dpi (voire un peu plus), ce qui assure la définition de 280dpi jusqu’au tirage 20×30 pour du 135. Pour des tirages plus grands, une petite perte de détail est à accepter.
Côté pilote, celui fourni par Epson étant peu enclin à la customisation du scanner (comme, par exemple, l’utilisation sans passe-vue), on a choisi la liberté en investissant une somme modique dans Vuescan, qui donne entière satisfaction à un artisan du film…

Retouche et interprétation
De nouveau, la résolution des images permet d’évaluer l’ordinateur nécessaire pour supporter la retouche (et tout le workflow, d’ailleurs). Une vue 6×6 scannée à 2400dpi, ça fait quand même une image de 5300pix de côté… Soit une image d’un peu plus de 28Mpix. Pour peu qu’on travaille avec des logiciels un peu sérieux comme PS ou Gimp, avec un certain empilage de calques, il est préférable de ne pas lésiner sur la RAM et le processeur… A noter cependant qu’un Quad-core n’est pas forcément utile, puisqu’une application n’utilise qu’un seul cœur à la fois… Privilégier plutôt le cadencement, donc.
Logiciels: pour notre labo exemple, c’est Gimp qui a été retenu, plus pour des raisons de principe et de budget que des raisons de performances. Photoshop est plus rapide, plus souple et parfois plus complet que Gimp. Mais là encore, il faut savoir raison garder et adapter le matériel à ses besoins: Gimp donne entière satisfaction aux photographes n’ayant aucun impératif de productivité, et son prix élimine rapidement toute concurrence dans ce contexte.

Et l’écran?
Au risque de se répéter, dans ce cas précis de labo noir et blanc, le top du top n’est pas nécessaire. Il est important (essentiel?) d’avoir un écran calibré (la sonde Spyder3pro de Datacolor est un choix judicieux) et de bonne taille (un 19″ pour la retouche est un minimum). Mais ne regarder que chez LaCie ou Eizo n’est pas indispensable, loin de là. Il vaut mieux veiller à avoir un bon éclairage dans le « labo » (bureau…) pour que l’étalonnage soit valable.

En résumé:
Matériel: un scanner V500, un PC avec un « dual core » AMD Athlon64 et 4Go de RAM, une imprimante SP 1400, un kit d’encres carbone, sonde Spyder3pro, écran 19″.
Logiciels: Vuescan, Gimp, QTR.
Accessoires: chiffon optique, bombe d’air sec, alcool isopropylique, une bonne souris.
Si on part du principe que tout ce matériel peut servir à la bureautique domestique classique, ce labo hybride ne représente absolument pas un investissement ruineux, et occupe un espace plus que raisonnable.
Consommables: les encres ne constituent pas la part prépondérante du budget: en effet, pour un beau tirage, tout comme en argentique, le choix d’un papier de qualité s’impose. Et là, par contre, il ne faut pas hésiter à prendre « du beau ». Pour notre labo exemple, les papiers PhotoRag et Bamboo de chez Hahnemühle sont choisis pour leurs qualités esthétiques, techniques, ainsi qu’environnementales.

A l’usage:
on a un labo agréable, simple d’entretien, et qui laisse une part assez grande à la créativité, tout comme dans une bonne vieille chambre noire. En étant bien documentés auparavant, ce labo a fait son premier beau tirage à peine une demi-heure après son installation! On y gagne en temps, précision et répétabilité dans le processus, mais sans pour autant sombrer dans la productivité et la facilité à outrance que peut provoquer le numérique. Tout le plaisir de faire de la photo, mais dans un environnement plus facile à mettre en œuvre qu’une chambre noire…

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