Rodinal

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MMP
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Rodinal

Message par MMP » 14 déc. 2007 09:00

A propos d'une autre légende du n&b :

Le Rodinal est la plus ancienne formule commercialisée. Brevet déposé en janvier 1891. La formule, simple, ne met en jeu qu’un seul agent développant (contre deux pour la plupart des formules) ; le p-aminophénol hydrochloride (réducteur qui transforme l’halogénure d’argent exposé en argent métal), un conservateur qui préserve le révélateur de l’oxydation ; le métabisulfite de potassium, et un alcali puissant qui maintient le pH de la solution à un niveau élevé et neutralise l’acide bromhydrique qui se forme lors de l’action du révélateur ; l’hydroxyde de sodium.

On peut le fabriquer soit même sans difficulté, sous réserve des précautions d’usage avec l’hydroxyde de sodium, plus connu sous le nom de soude caustique, qui augmente fortement la température de l’eau et peut causer des projections. Mais ce révélateur est bon marché, que ce soit avec les stocks d’Agfa encore disponibles (les licences d’Agfa en chimie ont été reprises récemment), ou sous d’autres versions, tel Calbe 09 etc.

Il y a deux grande familles de révélateurs ; les solvants et les non solvants, le Rodinal appartenant à cette dernière. Les révélateurs solvants procurent un grain fin (le D76 en est le plus célèbre représentant), les non solvants privilégient la netteté apparente de l’image, autrement appelée acutance. Avec ce type de révélateur, la transition entre les zones de densités différentes est brusque, contrairement aux révélateurs solvants ou la transition est progressive.

L’acutance se définie par les effets qui se produisent sous l’action du révélateur à la limite de zones de faible et de forte densité, connue sous le nom d’effet de bord, ou de micro contraste (le macro contraste concernant le contraste global de l’image) qui ont été étudiés et répertoriées en trois facteurs.

L’effet EBERHARD : la variation locale de concentration de révélateur entre deux zones de densité différente produit une augmentation de la densité à la limite de la zone de forte densité. Imaginez une petite falaise avec un muret à sa limite dominant le vide et vous avez la vue en coupe du négatif à cet endroit. Les amateurs de la ligne claire en BD connaissent cet effet, le contraste de l’image étant renforcé par les fines lignes qui délimitent les différentes couleurs. Cet effet est le plus important en matière d’effet de bord. Les deux autres facteurs sont l’effet KOSTINSKY et l’effet ROSS (effet de distance entre fines lignes de densités différentes). Leur proportion est moindre pour ce qui concerne l’action du révélateur.

On pourrait aller plus loin dans l’explication théorique du fonctionnement des différents agents chimiques composant le révélateur, notamment s’agissant de l’effet secondaire de l’agent conservateur qui a tendance à éroder les grains d’argents réduits (transformé en argent métal). Moins tranchant, le grain sera moins net ; grain fin puisque adouci, mais l’image moins nette également. Le p-aminophénol hydrochloride présent en concentration élevée (1 part pour 3 parts de conservateur), et du fait de ses caractéristiques propres, annihile grandement cet effet. C’est aussi pourquoi il faut préparer juste avant la séance la solution de travail, sa durée de conservation n’excédant pas celle du traitement.

Le Rodinal n’est pas le révélateur qui procure la plus haute acutance. Les références en la matière sont le HDD de Kodak ou les formules dérivées du FX1. Mais il s’agit là de révélateurs pour des applications très spécifiques qui ne conviennent pas vraiment à la photographie courante. Le Rodinal est le révélateur qui procure la plus belle acutance, avec un grain bien dessiné, très proche de la structure de base qui est la sienne lors du couchage de l’émulsion (alors que les révélateurs solvants ont tendance à les fondre entre eux).

Une image Rodinal est une image ou le grain est mis en valeur. C’est la première caractéristique que l’on remarquera. On aime ou on déteste, on ne reste pas indifférent devant une image de ce genre qui affiche son style propre (Ralph Gibson est Rodinal), notre œil étant culturellement davantage habitué à voir des images type D76.

Dans la famille des non solvants, signalons au passage le HC110 de Kodak (son quasi jumeau LC29 d’Ilford), révélateur fort intéressant mais qu’il faudrait traiter à part. Ansel Adams, toujours lui, l’appréciait beaucoup – patriotisme US peut-être, mais pas seulement.

Le Rodinal maintient globalement la sensibilité théorique des émulsions. Des ajustements sont possibles, notamment par effet de dilution et plus classiquement en jouant sur les durées. En revanche, ce n’est pas vraiment un révélateur fait pour pousser un film (le HC110 est plus à l’aise dans cet exercice). La gamme des dilutions utilisables est large : de 1+25 à 1+100 en général, avec une très grande variété de dilution intermédiaire pour ajuster au poil les effets recherchés. La dilution favorise l’effet compensateur, même si c’est moins flagrant qu’avec un révélateur type solvant. Pour cet effet, certains pratiquent des dilutions allant jusqu’à 1+200.

S’agissant de dilution, il faut veiller à ce qu’il y ait une quantité suffisante de produit actif dans une solution proportionnellement à la surface traitée. La proportion plus élevée d’eau conduit à accroître l’oxydation et réduit donc l’efficacité du révélateur. Ne pas hésiter à préparer 400ml là où 250ml suffisent à noyer la spire si la dilution devient élevée.

Des expérimentations ont également été faites par rapport à l’agitation. Des débats passionnés ont lieu dans les milieux les plus obscurs des profonds drogués du n&b. Je recommande de s’en tenir à sa pratique habituelle, car l’augmentation du micro contraste qui résulteraient d’une agitation plus importante me paraît peu probante au regard de l’augmentation du contraste global du négatif.

Le Rodinal était couramment utilisé avant l’avènement du 35mm. Les premières émulsions produites avaient un grain grossier qui a conduit a l’abandon par beaucoup, du moins en petit format, du Rodinal. Le 35mm s’étant largement généralisé à partir des années 50, le Rodinal a quitté le devant de la scène et lui a été fait une réputation de grain grossier (alors que c’était les émulsions qui n’étaient pas à la hauteur). Des artistes, notamment américains, à la recherche d’un vocabulaire nouveau l’ont remis à l’honneur. Les émulsions modernes, notamment celles à cristaux tabulaires, remettent ce révélateur à l’honneur. Mais le côté très stylé du Rodinal, une légende parfois tenace de grain grossier, fait que son usage demeure minoritaire dans le monde du 35mm. C’est moins le cas avec le moyen ou le grand format ou les pratiquants ont davantage l’habitude d’utiliser une plus large palette de chimie.

Pour terminer, il était jadis fréquent d'utiliser indifféremment la formule Rodinal pour le développement des films et des papiers. Faites l’expérience …

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Re: Rodinal

Message par zorglub » 14 janv. 2008 21:17

MMP a écrit : Pour terminer, il était jadis fréquent d'utiliser indifféremment la formule Rodinal pour le développement des films et des papiers. Faites l’expérience …
et alors, je reste sur ma faim là...

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Message par MMP » 15 janv. 2008 15:54

C'était jadis, à l'époque des papiers à grade, riches en argent, tel le regretté Agfa Brovira aux subtils rendus, que l'on cherchait à moduler les tirages en jouant sur les révélateurs, ne pouvant le faire à l'aide de différentes gradations sous l'agrandisseur, le grade, disais-je, étant donné une fois pour toute par les caractéristiques du papier.

Alors on utilisait des révélateurs à faible contraste pour obtenir une large gamme de gris, ou bien un révélateur chargé en hydroquinone, par exemple, pour accroître au contraire le susdit contraste. On utilisait également deux bains de révélateurs successifs pour travailler différemment les ombres et les hautes lumières.

A ce genre d'exercice, tout comme on peut jouer à exploser le grain d'un film en le développant avec un révélateur fait pour le papier, on peut rechercher les nuances les plus extrêmes en se servant d'un révélateur film pour le papier.

C'était jadis, avant que les sorciers des labos ne soient presque tous numérisés…

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Message par zorglub » 15 janv. 2008 16:13

rodinal, est-il indiqué pour faire mes premiers développements?

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Message par MMP » 15 janv. 2008 16:41

Pour débuter en n&b, je conseille plutôt de faire ses gammes sur un révélateur classique, grain fin et moyennement compensateur tel le D76, qui donnera de bons résultats avec les films de toutes sensibilités, et ensuite, une fois les bases acquises, d'essayer d'autres révélateurs afin d'étendre son vocabulaire.

Le Rodinal, par rapport aux images que l'on a l'habitude de voir, présente un rendu assez marqué, surtout avec les films de sensibilité élevé (ISO 400 et plus). La netteté que favorise le Rodinal s'accompagnant fort logiquement d'une granulation plus visible, cela étant d'autant plus accentué que la structure du grain des émulsions sensibles est moins fine que celle des émulsions de moyenne et faible sensibilité.

C'est pourquoi, beaucoup conseillent de limiter l'usage du Rodinal aux films jusque ISO 125, et non au delà. Maintenant, développer une Tri-X, voire une TMZ (Tmax 3200) avec le Rodinal est un choix esthétique qui se tient (Voir Ralph Gibson pour un exemple de l'utilisation du la Tri-X avec le Rodinal).

Je pousse même à n'utiliser, pour débuter, qu'un seul film avec un seul révélateur. Le couple Ilford FP4 et D76 (ou sa copie ID11), est un grand classique. L'on ne devient pas un classique par hasard, et il y a toujours à apprendre des classiques.

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geuledebois
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Message par geuledebois » 24 mars 2008 12:58

quel est l'influence de l'agitation du rodinal avec les films modernes (rollei 400, tmax) pour retrouver un bon effet de bord?
(j'agite une minute t ensuite une fois toute les minutes dilution 1/25)
je ne retrouve plus les résultats dont j'ai le souvenir

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Message par MMP » 30 mai 2008 17:11

(Il n'est jamais trop tard pour répondre, mais quand même, tard cela fait…)

Agitation, question éternelle qui vaut depuis toujours des guerres féroces dans les cercles argentiques.

L'eefet de bord résulte des différences de concentrations de révélateur à la limite des zones denses et des zones claires. Durant le développement, se produit un mouvement de diffusion du révélateur usé présent dans la zone dense vers les zones claires et du révélateur encore actif de la zone claire vers la zone dense. Ce phénomène produit un pic de densité à la limite des deux zones ; c'est l'acutance. Une plus grande dilution du révélateur favorise ce mouvement de diffusion. Une agitation moindre également, puisque celle-ci à pour but d'homogénéiser l'activité du révélateur (usé / actif) sur toute la surface de l'émulsion.

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geuledebois
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Message par geuledebois » 30 mai 2008 17:20

MMP a écrit :(Il n'est jamais trop tard pour répondre, mais quand même, tard cela fait…)
mais rien ne n'empêche de remercier rapidement... :D

merci :wink:
c'est sympa d'etre amateur... on a le temps pour pinailler sans soucis de rentabilité...
apres une tres longue période d'inactivité photographique je decouvre les evolutions techniques
je me fais l'effet d'être hibernatus :wink:

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